En attendant René Passet, voici deux travaux récapitulatif sur des sujets que l'on étudie en cours...
Chérie par le grand public et les romanciers, elle a tendance en revanche à susciter l'indifférence, voir la méfiance des historiens eux-même. Cependant depuis quelques années une redéfinition profonde s'est produite dans la façon de penser de quelques uns des présupposés fondamentaux de l'histoire en tant que science humaine: l'articulation du général au singulier, le rapport de l'individu et de la société, la part de la nécessité et de la contingence.
1- Histoire ancienne-
Plutarque et Suètone, sont les plus connus des auteurs de biographies durant l'antiquité. Marquant l'apogée du genre. Ils doivent leur popularité à leurs portraits de grands hommes et d'empereurs: les vies parallèles de Plutarque, écrit au II ème siècle av-jc, présentent deux par deux, les hommes illustres de la Grèce et de Rome. Vers 120 ap-jc, Suètone publi la vie des 12 Césars, soit une série de biographies des détenteurs du pouvoir à Rome depuis César à Domitien, avec l'intention implicite de les opposer au modèle du « bon prince » incarné par Trajan. Suètone est connu et imité dés le moyen âge. Quant à la traduction de Plutarque par Aymot en 1559, elle a marqué une étape importante dans la redécouverte de l'antiquité en France et en Europe. Toutefois, il faut comprendre que Plutarque et Suètone forment l'apogé littéraire d'un genre très en vogue à l'époque. Ainsi, beaucoup d'auteurs gréco-romain ont disparu. Et seuls les mentions ou les fragments d'auteurs perdu nous permettent de savoir que les ouvrages prenant pour sujet la vie d'un individu, rencontrèrent une faveur permanente. Pour autant à l'origine, contrairement à ce que l'on pourrait penser, la biographie fut un terme employé postérieurement à la genèse du genre. De racine grec biographia, il n'a été employé qu'une seul fois, par un auteur bien tardif, le philosophe néo-platonicien Damaskios, vivant à la fin du V ème siècle ap-jc, enseigna à Alexandrie, puis à Athènes. Il avait rédigé une Biographie d'Isidore, son maître. C'est au IV ème siècle av-jc que la biographie devient alors un genre à part entière, sous la forme du panégyrique, le bios fondant des modèles de vertu(ex: Evagoras d'Isocrate 370 Av-jc et les mémorables de Xenophon). Il faut donc distinguer, la biographie, invention récente, de la vie (bios, vita) genre littéraire propre à l'Antiquité. L'histoire de ce genre à fait l'objet de recherches importantes. L'intérêt jamais démenti des grecs et des romains pour la vie des hommes illustres, procédait d'une curiosité pour les figures d'un individu jugé exemplaire, plus que pour le détail de son action dans le passé proche ou lointain. De fait, les anciens établissaient une distinction entre biographie et histoire, s'explique par cette opposition entre biographie et histoire depuis Herodote et Thucydide1. Dans la mesure ou l'histoire était née en privilégiant les événements politiques et militaires dont l'analyse était fondée sur le rôle et l'évolution des constitutions, c'est à dire de l'organisation collective, l'historia ne pouvait être concerné, par nature, que par les États et non par les individus. Ce n'est que plus tard, vers la fin de l'empire que la biographie, sous l'aveu de Tacite (dans les annales) que la biographie va tendre à devenir les genre historique principal de cette période. Mais en tant que vie des grands hommes, on va retrouver des auteurs faisant des biographies en direction de l'histoire: Xenophon et son éloge d'Agésilas. Puis Polybe auteur d'une Eloge de Philopoimen, ou Tacite qui écrivit une vie d'Agricola. Mais l'influence la plus déterminante pour la naissance de la vie, est venu de la philosophie (socratique et péripapéticienne). Elle vient des caractères de Théophraste, plaçant au coeur de la démarche la volonté de classer les hommes en partant de passions et de traits de caractère (ethè) qui les singularisaient. Cette portée ethique de la biographique, est bien présente chez Plutarque et Polybe soucieux de décrire « la formation et le caractère » des personnages important de la période historique qu'il racontait. Dans le but de permettre de proposer des modèles à suivre (ou à ne pas suivre), pour le lecteur, elle était ainsi source de profit moral. Elle ancre aussi le genre dans la philosophie comme le prouve la Vie d'Antoine de Plutarque.
2-Le Moyen Âge: le temps de l'hagiographie.
Le panégyrique des souverains, à visée moralisante, identitaire, servit de modèle lorsque dans une société chrétienne, il s'agit d'exalter les héros et les saints. La tradition féodale est restée fidèle à l'héritage antique, en l'adaptant à des préoccupations chrétiennes. C'est le sens profond, éthique de la geste du héros qui intéresse, non point son action réelle: c'est le fondement de l'hagiographie. Dans cette période à l'opposé de la période antique (hormis la fin de l'empire), le genre historique s'adosse cette pratique, considérant que l'histoire d'un lieu en une période donnée se résume pour l'essentiel à la biographie du souverain régnant, une biographie évaluant la piété de l'homme et sa capacité à soutenir l'Église. Ainsi 80% des textes historiques sont des biographies de clercs en odeurs de sainteté, le reste étant les souverains. (ex: l 'Historia pontificalis commencé au VI ème siècle). A cette histoire, va très rapidement s'agréger des le VI ème siècle celle des abbés et Pères du désert, ainsi que des saints autochtones s'affirmant martyrs ou confesseurs. Des l'époque mérovingienne, les historiens se préoccupent aussi de retracer la chronique des règnes passés ex: Grégoire de Tour, sous Eghinard, le genre connaît un renouveau inspiré de Suètone.
Par la suite le succès biographique ne se dément pas, bien au contraire sous différentes formes: culte des saints et pratiques mémorielles liées à l'enracinement des lignages donnant une impulsion au genre à partir du X ème siècle. Ex: vie de Guillaume le Maréchal, ou contre modèle, vita Mahometi au XII ème siècle. A partir du XII ème siècle, deux nouvelles préoccupations vont venir compléter les précédentes: la prise en compte du contexte de l'époque, et de la valeur de la véracité du genre, pour servir d'autant mieux le modèle. Mais l'édification reste bien entendu toujours au centre de l'hagiographie, au coeur de la pratique des prédicateurs, le prouve le succès phénoménal de la Légende dorée de Jacques de Voragine (évêque de Gênes, 1228-98).
3-La période moderne: un art didactique au service du politique
Durant la période moderne, les histoires générales ne sont pas autre chose que des collections d'histoires personnelles. Que l'on s'intéresse à l'histoire de France de la papauté ou de Rome, les historiens classiques en restent à l'histoire des représentants concrets. C'est peut être la faiblesse de leur culture philosophique qui les rend incapable de se représenter des abstractions et d'écrire l'histoire des pape et non de la papauté, des rois et non de la royauté. Très marqué par le modèle antique, la biographie est plus proche de la littérature que de l'histoire et conserve sa visée didactique. Ainsi, les érudits et antiquaires échouèrent à renouveler le genre malgré leur intérêt.
3.1 La biographie monarchique.
La traduction des vies parallèles de Plutarque en 1559 par Aymot sous le titre de vie des hommes illustres, connu un immense succès, en témoigne la ferveur de Montaigne lisant Plutarque et de JJ Rousseau. Plutarque et Suétone ont influencés les historiens français jusqu'au XVII ème siècle. Ex:1684, Jacques de Varillas dans son histoire de France de François Ier. Il est évident que ce genre correspond bien à la glorification du personnage dont on écrit la vie. Ainsi le choix des historiographes se résume à deux:
Écrire l'histoire des trois races des rois de France.
L'histoire d'un roi.
Scipion Dupleix, au service de Marie de Medicis puis de Louis XIII, est l'auteur d'un Histoire générale de France ainsi que d'une Histoire d'Henri III, d'Henri Le Grand et de Louis Le Juste.La célébration monarchique par le biais de l'écriture biographique se faisait également dans les académies. Les travaux des académies des inscriptions étaient consacrés pour une bonne part aux biographies ou histoire de la famille royale ou de la noblesse. On conserva donc la forme des oeuvres antiques, mis à part le fait que l'on remplace la mythologie antique par la nationale dans le but de glorifier le roi par exemple (Antoine de Bandole compare Henri IV à César: Parallèle de César et d'Henri Le Grand, 1609). Mais aussi à visée pédagogique ex: L'histoire de Henri le grand de Péréfixe, precepteur de Louis XIV était un cour de moral destiné à son éléve. De même on commanda à des érudits des biographies de Charlemagne, CharlesV et Saint Louis.
3.2 Le culte des grands hommes.
Des les XVI ème siècle, les publications de recueils de vies des hommes illustres sont importantes. Certains tiennent encore du récit médiéval (qui tien à la fois de l'hagiographie et du récit de chevalerie) ex: Brantôme et la vies des grands capitaines étrangers du siècle dernier...publié en 1655-66. L'histoire locale, fut d'abord celle de ses grands hommes. Les vies du chevalier Bayard, de Lesdiguières, de Baumont parurent ainsi tour à tour à Grenoble.Il y a donc un véritable patriotisme provincial. La République des Lettres utilisa également la biographie pour célébrer ses héros, sur le modèle fondé par Boccace avec sa vita di Dante (1477) et surtout sur celui de Vasari, Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes, publiées à Florence en 1550. ainsi que le Dictionnaire historique et critique (constitué en grande part de biographie) de Pierre Bayle Mais les français ne surent pas briser le cadre conventionnel de l'éloge.
3.3 La biographie savante
Ce type de biographie ne dépassa pas le stade atteind par les anciens. La monarchie encouragea les érudits à écrire l'histoire des serviteurs de l'Etat. L'exemple le plus connu étant la biographie de Saint Louis par Le Nain de Tillemont, à l'intention du Grand Dauphin sans grande innovation. Par contre il innova sur le plan du sujet et de la forme avec sa monumentale Histoire des empereurs et des autres princes qui on régné durant les six premiers siècles de l'Eglises..., parue de 1690 à 1738, rompant avec l'écriture oratoire, il compose son oeuvre de citation d'historiens anciens. Mais ne se livre pas à une critique des source et n'utilise pas les vestiges matériels, telle la numismatique, ce qui réduit la portée de cette vaste compilation.
3.4 Voltaire et la biographie
Depuis l'antiquité, la biographie était plus prés de la littérature que de l'histoire, cette visée subsiste dans l'Histoire de Charles XII, première étude historique de Voltaire publié en 1731. Voltaire réprouve la conception classique qui astreignait l'historien à donner une porté morale à son oeuvre et fonde son récit sur des documents de première main en particulier les témoignages précis des contemporains. Dans la suite de son oeuvre, le philosophe se détache du genre biographique, écrivant à propos du siècle de Louis XIV « On veut peindre à la postérité, non les actions d'un seul homme, mais l'esprit des hommes dans le siècle le plus éclairé qui fut jamais. ». En faisant de la nation et non du monarque le personnage central de son livre et en s'intéressant davantage aux moeurs qu'aux batailles, Voltaire anticipe l'école des annales et le célébre Louis XIV et vingt millions de Français de Pierre Goubert.
4- la biographie contemporaine: la recherche du sujet globalisant.
4.1 Du positivisme au rejet des annales
Dès ses origines la biographie était conçue comme distincte de l'histoire, et l'auteur des vies parallèles, Plutarque, affirmait « Nous n'écrivons pas des histoires mais des vies ». Longtemps exclu du champ historique officiel, l'écriture biographique fut considéré comme anathême à la pratique historienne.
Aujourd'hui, on voit son renouveau dans le milieu des années 80. Ce qui s'exprime avec cette nouvelle passion biographique, ce n'est pas la figure du même, celle de l'Historia magistra vitae, du culte de la vie exemplaire, mais un nouveau souci pour l'étude de la singularité et une attention particulières aux phénomènes émergents, complexes et impossibles à réduire à des schémas causaux mécaniques. Manifestement lié au besoin de construire son identité dans le temps et l'espace, le genre biographique a suivi les évolutions d'une société qui a fait une part croissante aux logiques singulière des individus. Au départ, l'historia Magistrae représentait une source d'inspiration pour la propre vie de son lecteur par le caractère exemplaire du personnage érigé en héros ou en saint. C'était un simulacre de réalité qui devait gagner par l'illusion créée en force de conviction. Le paroxysme de ce genre est atteint au XIX ème siècle avec Taine, et sa vision scientiste, qui avait pour ambition d'accéder aux « règles de la végétation humaine » en classifiant les espèces en fonction des portraits psychologiques qu'il repère. Cependant les historiens du XIX ème siècle ne furent guerre portés à la rédaction de biographies. Tout au plus, l'exercice du « portrait » trouvait sa place dans les vastes synthéses (ex: L'histoire de la France de Lavisse). Ou les analyses critiques, à l'image du tableau brossé par Hippolyte Taine cité precedement dans ses Origines de la France contemporaine. Et Marcel Proust a influencé les esprits par le constat selon lequel, un livre est le produit d'un autre « moi » que celui que nous manifestons dans nos habitudes. Il faut toutefois distinguer entre productions universitaires soumises à la reconnaissance des pairs, et ouvrages non soumis à cette légitimation, c'est à dire grand public qui elle, a connu un grand succés dont témoigne l'abondante production d'André Maurois, depuis Ariel ou la vie de Shelley (1923) jusqu'à Prométhée ou la vie de Balzac (1965).
Tandis que ce qui concerne la production universitaire, le genre est disqualifié et accompagna le déclin du positivisme et la chute des trois idoles de Simiand: le héro, le politique, l'événement. Si Bloch, travailleur des mentalités biographiques était farouchement antibiographique, Lucien Febvre partit de quelques figures telles que Luther, rabelais ou Marguerite de Navarre pour mieux appréhender le corps social du XX ème siècle. Cependant la société reste toujours au centre des recherches, « le grand hommes » étant retenu comme un accés privilégié à ce monde en raison notamment des sources le concernant. Malgrè l'approche différente de Ernst Kantorowicz, et son Empereur Frédéric II (reconnu bien à postériori) en 1927, le cercle des historiens s'éloige toujours plus de la biographie. Ainsi après 45, Braudel bouta le « grand homme » hors de la revue. Les discrédit fut en amplifié dans les années 60 (marxisme, structuralisme, psychanalyse, science humaine), c'est l'histoire des masses. Les grands personnages sont soigneusement replacés dans les ensembles censé les produire, tel Louis XIV et vingt millions de Français de Pierre Goubert (1966). A l'université sur 756 thèses présentées en 1966, il n'y avait que 46 biographies!
4.2 Un revival biographique
C'est avec le Louis XI de Paul Murray Kendal en 1971 que la biographie fait son grand retour sur le plan universitaire, grâce à un franc succès commercial. Suit, un quart de siècle plus tard par le Saint Louis de Le Goff (1996), suivant les production de Françoise Autrand concernant Charles VI en 1986 et Charles V en 1994. Toute les périodes sont concernés par le genre, et les éditeurs multiplient, de Flammarion à Science-po, les lancements de collection. Tandis que pour le moyen age, et l'antiquité sont dominés par les puissants, les récits de vie pour l'époque moderne ne sont pas rare. La tendance s'accentu logiquement pour la période où l'alphabétisation triomphe. Les contemporanéistes délaissent majoritairement la société civile, et privilégient le personnel politique pour prendre en compte la part décisionnelle des systèmes totalitaires. Il est claire que le choix du biographique par des historiens des annales comme Marc Ferro (Petain, 1987) témoigne d'une demande sociale marqué par la tension entre les aspects littéraires et scientificité inhérente à la discipline historique. Les biographies comme les lieux de mémoire consolent, comme le fait comprendre Pierre Nora (Les lieux de mémoire parus de 1984 à 92) à mettre en relation avec la crise sociale du sujet dissolu dans une société déshumanisante. Mais aussi une demande de produits authentique (savant) et construit sur une base narrative. Cependant, l'éssentiel n'est pas perdu, tout comme le dit Le Goff au sujet de saint Louis et de Saint François D'Assise (1999), il vise à faire du personnage de la biographie un sujet globalisant autour duquel s'organise tout le champ de la société, en somme un mirroir de la société. Des nouvelles pistes de recherche s'ouvrent donc: mobilisant des traces diversifiées, tant par l'ouverture des fonds d'Etat (dossier policier) que par l'invention de nouvelles sources écrites (actes notariés, chroniques judiciaires) matérielles (archéo) et orales. On peut aussi noyer des cas sans histoires dans leur environnement. C'est le programme qu'applique Alain Corbin dans Le Monde retrouvé de Louis François Pinagot (1998) où il adopte un point de vu de focalisation interne, celui d'un sabotier du Perche (1798-1856), à partir de documents qui ne sont pas produit par l'acteur. Les sources lui permettent de dessiner la collectivité évoluant autour de lui. (conseil municipal, justice de paix).
4.3 Les nouvelles problématiques de la biographie.
Aujourd'hui cette quête d'identité n'a pas disparu, mais elle tend a être dominé par la pluralité des biographies. De même que les méthodes du biographes dites « chorales », car il faut resituer les phénomènes d'interactions, d'enchevêtrement des vies, ainsi que l'implication du biographe à son évocation à l'autre. C'est une biographie, non plus fixiste sous le régime de la mêmeté, mais en mutation constante. Et dont la temporalité est le discriminant principale. A cette multiplicité, émerge une nouvelle problématique, opposée aux concepts fixistes des vitae, celle de la deconstruction des processus d'individualisation, sans principe unitaire au profit de la diversité des grandeurs. A cette impasse, Paul Ricoeur a avancé l'idée d'une centralité de l'identité narrative qui répond à la question posée par Hannah Arendt « Qui? » de l'action, ce qui revient à raconter l'histoire d'une vie, cet identité est éssentiellement narrative. C'est l'identité soi-même, qui confronte le sujet au temps, au changement, à des mutations constitutives dans le rapport à autre. L'émergence d'un soi, qui n'est plus un moi du fait des altérations provenant de sa relation avec l'autre et de sa traversée du temps, offre un moyen de sortir de « l'illusion biographique » dénoncée par la sociologie bourdieusienne. L'autre grande mutation subie par le genre biographique se situe au plan de son régime de vérité. Auparavant, le genre biographique était purement éssentialiste, plus que des figurees singulières, c'était la vertu incarnée par tel ou tel personnage qui était visée. Aujourd'hui, ce genre implique un pacte de vérité. Cet exigence rapproche la biographie de la discipline historique dont le fondement est similaire, depuis Thucydide. Dans la mesure ou, le réel perçu par l'historien doit être envisagé dans sa complexité, la biographie permet de participer au tournant interprétatif adopté par les travaux historiques actuels et atteste de la nécessité de ne pas se laisser enfermé dans cette fausse alternative entre schéma monocausal organisateur et dérive esthétisante. La biographie joue aussi un rôle de rite d'enterrement, en honorant les morts et en participant à leur élimination de la scène des vivants. (sans parler de marquer le passé pour redistribuer l'espace des possibles). En rajoutant à la pratique de l'histoire « l'effet du vécu », d'ou l'importance de la réthorique, du mode de narration pour redonner chair et forme à des figures disparues.
Le retour du genre biographique, marque un tournant dans la discipline historique. On s'interroge sur l'action humaine dotée de sens, l'intentionnalité, la justification des acteurs, les traces mémorielles. En mettant plus d'importance aux logiques individuelles, singulières s'insinuant à l'intérieure des logiques structurelles. Dans le milieu des années 70, un succés éditoriale important, va surprendre celui de la biographie de Louis XI de Paul Muray Kendall. Georgette Elgey, responsable éditoriale chez Fayard, tire les leçons et commande Philippe Le Bel au médiéviste Jean Favier qu'il publi en 1978. Elle commande aussi un Napoléon au spécialiste universitaire des études napoléonienne Jean Tulard. Bien qu'hésitant au début, ce dernier fini par accepter, et abouti en 1977. La collection s'impose avec l'arrivée en 1985 de Denis Maraval, parvenant à convaincre les universitaires de quitter leurs chantiers classiques pour lui écrire une biographie. Parmi eux on retrouve même certains représentants des annales comme Marc Ferro et son Pétain en 1987, ou Pierre Goubert grand maître de l'histoire quantitative démographique, qui fit une biographie de Mazarin en 1990. Bien évidemment ce dernier s'est dépéché de déplacer l'attention, vers les 20 millions de français, et à hisser Mazarin en un héros quasi-surnaturelle. D'ailleurs déjà, il écrivait en 1966 Louis XIV et vingt millions de français. Le retour le plus spéctaculaire aux biographies, et celui de Jacques Le Goff, avec la publication de son Saint Louis, Son but, bien évidemment est d'en faire un portrait immergé dans son époque, et à travers lui interroger toute une période. Se basant pour cela, sur le sources se trouvant à Saint Denis, et par les écrits d'un des contemporain de ce dernier: Joinville. Il raconte sa vie en trois mouvement: en premier lieu et rapidement, la vie de Saint Louis. En second lieu, il déconstruit le mythe et se demande si Saint Louis a bien existé, pour bien faire apparaître le vrai individu de Saint Louis. Puis il redonne chair à son personnage en montrant en quoi Saint Louis prend une place singulière dans les imaginaires et pratiques collectives. (c'est une approche déconstruction et reollection du sens).
Le biographe et le biographé, sont deux objets distincts, ce qu'il ne faut pas oublier lorsque le premier rédige sur le second. Il faut éviter de s'identifier et de se projeter sur son personnage de la même façon que pourrai le faire un historien sur ses sources. Il y a donc une illusion biographique, dont il faut se méfier. Mais non au sens de Bourdieu2, pour qui le sujet, est une entité non-pertinente, ainsi que la succession événementielle. Pour dépasser ce clivage, Ricoeur a établi une dialectique idem/ipse3 permettant de penser ensemble ce qui perdure et ce qui change. C'est à partir de cette interaction constante entre le monde et la personne évoluant dans des histoires enchevêtrés que se constitue la singularité des multiples parcours qui font une société.
1 Dès ses origines la biographie était conçue comme distincte de l'histoire, et l'auteur des vies parallèles, Plutarque, affirmait « Nous n'écrivons pas des histoires mais des vies ».
2Pierre BOURDIEU, acte de la recherche, l'illusion biographique, n°62/63, juin 1986.
3Paul RICOEUR, soi-même comme une autre, Seuil, 1990.
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