mardi 2 mars 2010

L'école en crise: violence à l'école ou de l'école?

Auteurs de l'article résumé : Béatrice Mabilon-Bonfils et Laurent Saadoun.

L'école est un lieu de contradiction, mais aussi de fantasme, dans la mesure ou il va cristalliser une grande partie des espérances. Lieu de contradiction, il est éminemment politique, mais sanctuarisé du politique. C'est aussi un lieu dont la lucidité collective reste brouillée par les idéologies, ainsi que la mémoire collective individuellement reconstruite. Lieu d'initiation et d'apprentissage, il est aussi à la croisé d'enjeux individuels et politiques en tant qu'institution de socialisation, c'est donc un passage marquant notre personnalité et par la même de notre subjectivité tout au long de notre vie. D'ou la nécessité d'aborder la question scolaire d'un point de vu externe et distant. L'école participant à la construction politique du sens collectif, entre unité et diversité, appartenances sociales et construction nationale citoyenne au travers du prisme républicain et laïque, modèle ou l'Autre doit devenir le Même. Pourtant avec l'affirmation des identités, la différence aurait plutôt tendance à s'affirmer, comme on s'en aperçoit au travers des demandes croissantes de pluralités culturelles et cultuelles, la citoyenneté devenant par la plurielle, en rupture avec la centralité reconnue du noyau citoyen, affirmation de 1789. Dans ce nouveau système, les processus d'inclusion/exclusion prennent le relais de la surveillance/contrôle nécessitant une place symbolisée, pour éviter toute contestation. Sans cela, le manque de repères mène à la destruction, dont la non présence est signifiée par la violence. On comprend des lors que dans ce processus l'institution scolaire n'est pas neutre, malgré ce qu'on a tenté de nous faire croire.
Comment gère t-elle l'altérité et les inégalités de faits? Qu'en est t-il des valeurs transmises? Des violences qu'elle subit ou qu'elle génère? Comment peut-elle contribuer à la réussite? Et est-elle en crise? Ce sont les différentes questions que nous allons nous poser tout au long de cet exposé.

L'école républicaine est-elle vraiment laïque?

La laïcité et le projet méritocratique sont les paradigmes de l'école publique, et se sont fondés dans un contexte houleux de guerre d'influence entre les mondes politiques et religieux dans le courant du XIX ème siècle, et dont le processus aboutit définitivement en 1905. Aujourd'hui elle s'impose comme évidence et ne prête pas à discussion, ce qui semble être une erreur. Car c'est avant tout un modèle politique d'imposition et de légitimation d'un ordre social conçu comme emblème de la conception républicaine de l'espace public.
Mais il faut faire attention, la laïcité à la base ne doit pas être vue comme neutralité politique, loin s'en faut, mais religieuse bien que sacralisant le savoir dans le but d'inculquer la Patrie et la République, l'école formant y formant ainsi son ciment. Tandis qu'aujourd'hui, elle est présentée comme une anti-idéologie occasionnant des effets pervers, oblitérant la prise en compte des valeurs depuis la crise de mai 1968 (circulaire d'Haby) scellant son glissement sémantique et son rôle. Celui ci prend à contre pied sa définition, car elle sert de socle idéologique de légitimation du système scolaire désuni par les différents clivages sociaux, cultuelles et culturelles par l'interdiction du port du voile. Car selon R. Liogier1, elle sert à justifier les interventions étatiques sur le religieux, dans un schéma d'opposition, et non pas de neutralité. La notion de « voile » et d'ostentatoire relève ici d'une problématique purement privé et subjective au travers de l'altérité de la personne. Préférant ainsi substituer au corps personnel, un corps collectif et neutralisé, au travers d'un processus de surveillance des corps et des esprits, dont le but avoué ou non est le régime de « mêmeté ».

L'école transmet-elle encore des valeurs?

Les valeurs sont au centre de toute réflexion sur l'enseignement et sa pratique et fondant l'intention éducative. Ainsi la fonction symbolique de l'école Républicaine est de faire tenir ensemble ce qui est a priori comme relevant de la désunion ou à minima de choix, de cultures et d'identités particulières, tout cela au travers d'une morale justifiée par la recherche de l'intérêt général et l'accès à la connaissance pour s'émanciper ( des valeurs démocratiques en somme). C'est un endoctrinement à peine voilé que l'on retrouve notamment dans la Morale et l'instruction civique, véritable « catéchisme républicain », à la base et décliné plus tard en ECC et ECJS que l'on retrouve aujourd'hui au collège en complément de l'histoire géographie et dans le cadre d'une option au Lycée .
Mais actuellement, l'école tendrait surtout à ployer sous les valeurs plurielles, ce qui pose problème dans un contexte de marchandisation de l'éducation, menaçant les valeurs habituellement démocratiques, a société tribalisée répondent des valeurs nomades, mais l'intérêt pour les enseignements de civilité demeure présent. Le programme pour la rentré 2008-2009 annonce l'introduction d'un programme d'instruction civique et morale ou l'on est initié entre autre à la politesse, aux notions de droits et de devoirs, au respect de la Shoa, et de la République. Ce programme dument orienté, a pour avantage de réguler et prévenir les comportements anomiques possibles.

Violences à l'Ecole, violence de l'Ecole?

Le problème social est principalement issu d'attentes sociales diffuses ou politiquement orchestrés? Jusqu'à aujourd'hui, l'école a plus connu de violences sporadiques que structurelles, mais bien présente. Toutefois, la question de cette violence doit tenir compte du fait que celle-ci peut prendre différentes formes, et qu'elle est en partie une question politique médiatique.
En fait la reconnaissance de celle-ci dépend en grande partie des acteurs qui la reconnaissent au travers d'une réalité issu d'une dénomination interprété comme telle. Car cette politique du déni du politique produit de la violence sous forme de normes, car celle-ci est imposée par la coercition.
D'autres interprètent la violence par référence stricto-sensus au code pénal, mais cette approche juridique interdit tout analyse sociologique et historique. Car la violence est à la base de la légitimation de cette institution et d'une civilisation des mœurs, sans pourtant être énoncée car dépendant des conventions sociales du moment.
Pour Debardieu cette violence serait caractérisée par une désorganisation brutale ou continu du système personne, collectif ou social se traduisant par une perte d'intégrité. D'un point de vu sociologique on aurait plutôt tendance à parler de violence symbolique (Bourdieu), découlant de l'arbitraire culturel pour l 'école, qui étant dépositaire de la formation sociale des individus serait aussi productrice de violences dans le sens de respect de l'ordre et de soumission à la loi issus de cette même institution en tant qu'organe normatif à la fois sur les esprits et sur les corps. Dans ce sens la violence à l'école répondrait à celle de l'école, comme pendant.
L'intérêt collectif pour les violences à l'école sont assez récentes et date de 1990, et les interprétation sont assez variables. Dans leur ouvrage Violences à l'école-Etat des savoirs, Charlot et Emin font une classification détaillée des manifestation des violences à l'école, marquée par trois idéaux types de violences: vernaculaire, réactionnelle et délinquante. De la même façon Dubet établi trois dimensions de la violence: scolaire, imprégnative (de la vie du quartier), et anti-scolaire lié à la disparition des zones de déviances tolérée dans l'Ecole. Elle est donc intrinsèquement liée à la violence de l'école liée à des variables macrosociales, physique et psychologique! La violence est systémique et les évolutions techniques ne protègeront pas l'école de sa propre violence, mais aura tendance à augmenter la méfiance de l'insécurité et donnera l'illusion que la violence vient de l'extérieure.

L'école inclut-elle ou crée-t-elle des ségrégations?

L'école est donc un lieu de pouvoir dont les modalités consistent à canaliser les énergies utiles et à imposer des rites, à prescrire des modes d'être aux autres par lesquels les désirs sont niés, refoulés ou interdits, étalon officiel des processus d'inclusion et d'exclusion dans ce qu'elle a de plus ségrégative, symptomatique système de fonctionnement dans le cadre d'une nécessaire mise en ordre des corps et des esprits dans le but de former ce que Foucault appelle un Etre-Ensemble. Mais cet objectif s'en trouve complexifié par la norme qui se fait plus indéterminé et plurielle . Ainsi le mode de contrôle social se fait plus insidieux et de façon informelle, insistant plus sur les processus d'inclusion que de punition.

La réussite de l'école: affaire de moyen?

Comment définir une réussite de l'école? Que signifie t-elle? Si elle réussie, à qui profite cette réussite envisagée? En réalité, il s'agit de mettre en relief les rouages de fonctionnement de l'école, car une réussite pour « elle », ne signifie pas forcément une réussite pour nombre de ses acteurs! N'oublions pas ce processus d'inclusion/exclusion et cette violence justifiée par le rôle fondateur de l'école. L'idéal dans une posture analytique, serait de juger l'école à l'aune de ses missions, de ses projets, de ses fins par opposition aux logiques de moyens plus orienté de façon idéologique, partisane, militante ou d'ordre administratif... Par exemple doit-on considérer que des effectifs de classes moindres favoriserait la réussite? Le Haut Conseil de l'évaluation de l'école en observe les effets limités, pourtant, ce sont dans les classes à options tendant à une réduction d'effectif que l'on a le plus de réussite.
En ce qui concerne les dépenses, l'on observe une augmentation du budget de 25% depuis 10 ans, cette augmentation étant essentiellement du à l'allongement des études, avec des inégalités de traitement dans la part des salaires des enseignants dans le budget entre le primaire et l'enseignement supérieur, et dans l'écart du coût entre le primaire, le secondaire et l'enseignement supérieur en sa défaveur. Se pose aussi la question de la qualité des services d'enseignement, le risque dans ses sens, serait de subordonner la fin aux moyens, dans un contexte de réduction du budget de l'Etat, d'ou une gestion plus manageriale de l'école, sous couvert, bien entendu de meilleure gouvernance. Les mesure d'autonomie de l'enseignement vont dans le sens dans d'une mise en concurrence visible des établissements et rectorats les uns par rapport aux autres. D'ou la subordination de la fin aux moyens.

L'Ecole est-elle en crise?

La question se pose indirectement dans une premier lieu, car l'école est avant tout un miroir de la société et de ses problèmes. Dans un second lieu la mise en échec dépend aussi du déclin des anciens consensus scolaires (égalité des chances, méritocratie, promotion par le diplôme etc.) et de sa capacité à décréter l'identité, face à la monté de nouveaux « mondes scolaires » et l'ère de l'identité plurielle et de l'hétérogénéité croissante des socialisations. Cette pluralité marque le déclin de régulation des institutions politique et sa nécessité d'adaptabilité à la sphère privé face à des changements globaux de celle ci et doit fragmenter ses modes d'insertion, d'ou une perte de légitimation. Ainsi ses modes de coercitions, ses valeurs (allant de soi jusque ici) et l'autonomisation de la culture juvénile l'affaiblissent. Ainsi l'école se désinstitutionalise, d'une éducation non plus transcendantale mais immanente.
Formation et recrutement des enseignants font aujourd'hui débat. La masterisation des diplômes, et la supression de l'IUFM se fait dans une perspective de réduction budgétaire (supression de 10000 postes de stagiaires IUFM). Mais la question de professionalisation reste problématique. Suffit-il d'être « savant » ppur être bon pédagogue? Se pose ici la question de l'acquis et de l'innée de façon caricaturale et surtout contradictoire. Pourtant une formation transversale est nécessaire à la légitimation de l'enseignant, son rapport à l'autre, et va sur le long terme déterminer le devenir de l'école avec des risques de ruptures dans les définitions de situation. Tout acte pédagogique en apparence simple met en jeu l'histoire intellectuelle intime des élèves et des enseignants. Le problème résidant dans la régulation des échanges dans un monde complexe et diversifié (âge, sexe, culture) d'espaces collectifs d'éducation et de formation. C'est toute l'importance de la subjectivité de l'enseignement qui doit être mise en exergue.

Source:

http://alexandrie.ira-lyon.gouv.fr/Record.htm?idlist=1&record=19148112124919663949

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